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Personnes en précarité et services publics

Le service public est organisé autour de trois grands principes. 
- Le premier est celui de la continuité du service public. Il repose sur la nécessité de répondre aux besoins d’intérêt général sans interruption. Cependant, selon les services, la notion de continuité n’a pas le même contenu (permanence totale pour les urgences hospitalières, horaires prévus pour d’autres). La jurisprudence du Conseil d’État est très précise sur cette exigence : est ainsi condamné un service qui ne respecte pas les heures d’ouverture annoncées (ouverture tardive, fermeture hâtive). 
- Le deuxième principe est celui de l’égalité devant le service public, lui aussi principe à valeur constitutionnelle, est l’application à ce domaine du principe général d’égalité de tous devant la loi, proclamé par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Il signifie que toute personne a un droit égal à l’accès au service, participe de manière égale aux charges financières résultant du service (égalité tarifaire sauf pour les services facultatifs, tels que les écoles de musique, par exemple), et enfin doit être traitée de la même façon que tout autre usager du service. Ainsi, le défaut de neutralité – principe qui est un prolongement du principe d’égalité – d’un agent du service public, par exemple une manifestation de racisme à l’encontre d’un usager, constitue une grave faute déontologique.
- Enfin, le dernier principe de fonctionnement du service public est celui de l’adaptabilité ou mutabilité. Présenté comme un corollaire du principe de continuité, il s’agit davantage d’assurer au mieux qualitativement un service plutôt que sa continuité dans le temps. Cela signifie que le service public ne doit pas demeurer immobile face aux évolutions de la société ; il doit suivre les besoins des usagers (ex : souplesse d’organisation des services publics) ainsi que les évolutions techniques (ex : passage, au début du XXe siècle, du gaz à l’électricité).

LES EVOLUTIONS DU SERVICE PUBLIC
1. Des évolutions « positives »
Les usagers des services publics ont, depuis quelques années de nouvelles attentes en terme notamment 
- d’accessibilité 
- de rapidité de réponse
- de simplification de l’accès aux données personnelles
Ainsi, les services publics aujourd’hui tentent de répondre à 5 grandes lignes d’engagement :
- proposer des informations qui répondent aux attentes des usagers avec une orientation efficace
- favoriser un accueil aimable et attentionné
- donner des réponses claires dans des délais annoncés
- être à l’écoute des usagers pour progresser
- s’engager auprès des agents
Cette volonté du service public s’inscrit dans une démarche plus globale existante aussi dans les structures sociales et médico-sociales notamment depuis la mise en application de la loi 2002-2 qui mettait en avant la centralité de l’usager de ces structures.

Cette évolution s’inscrit en rupture. En effet, on s’aperçoit que l’image des services publics se modifie plutôt d’ailleurs dans le bon sens même s’il reste encore de nombreux efforts à faire notamment sur les items suivants (enquête de la SGMAP (secrétariat général pour la modernisation de l’action publique sur les sources d’insatisfaction en 2018)) : 
- proposer des solutions utiles (plus de 34 % des personnes sont insatisfaites sur cet item)
- le temps d’attente (32%)
- le nombre de déplacements ou d’appels tel (31%)
- l’information sur l’état d’avancement de la demande (30%)
- le délai de traitement (29%)
- la communication du délai de traitement (29%)
La mise en place de la dématérialisation d’un certain nombre de services a permis effectivement une simplification des démarches : déclaration de revenus, téléchargement de documents, CAF …

2. Des évolutions toutefois complexes pour certains publics
 Les usagers ayant des situations personnelles complexes.
La simplification des démarches induit toutefois une difficulté : celle des personnes ne rentrant pas tout à fait dans les cases prévues par le service public et conduisant parfois l’usager à errer dans les méandres de l’administration.
Il se trouve qu’aujourd’hui, une personne qui est en difficulté n’a souvent pas qu’une difficulté. Elle sait qu’elle a un nombre (parfois important) de démarches à faire mais ne sait pas par exemple, dans quel ordre ces démarches doivent être réalisées.

Par ailleurs ces usagers, hormis d’avoir des réponses quant à leur situation, ont aussi, souvent besoin d’avoir une oreille attentive à leur situation. 
Cependant, une frange de la population n’a pas accès aux structures de droit commun et du même coup, ne font pas valoir leurs droits.

 Une incompréhension des évolutions des services publics
Du coup, pour des personnes qui relèvent de la grande précarité et de l’exclusion, les évolutions du service public sont très complexes à saisir. 
Ces difficultés ne sont d’ailleurs pas sans incidence sur le travail des agents qui, régulièrement, peuvent se retrouver face à des personnes qui, ne comprenant pas la situation peuvent devenir agressives ou désagréables.

 Une incapacité à avoir accès à la dématérialisation
La dématérialisation, si elle rend plus facile l’accès aux informations et aux documents du service public aux personnes connectées, peut devenir très excluante pour les personnes les moins connectées.

Parmi cette population, on peut compter les 10% environ de personnes ne maitrisant pas la lecture et l’écriture mais aussi les usagers non connectés soit 16 % de personnes qui pas accès à Internet et parmi celles qui y ont accès 20 % maîtrisent mal l’outil.

L’avancée majeure que représente la dématérialisation risque ainsi de créer une situation paradoxale : au lieu de simplifier l’accès aux services publics, elle pourrait remettre en cause l’effectivité de l’égalité d’accès de l’ensemble des usagers aux services publics en les éloignant davantage. 

Dans un contexte de précarité croissante, les personnes sollicitent davantage les organismes sociaux. 
De nombreux travaux ont montré que les personnes confrontées à la précarité sont les plus éloignées des administrations et ce, pour 3 raisons :
- une méconnaissance de leurs droits, 
- une certaine défiance 
- la peur d’être stigmatisées du fait de leur situation précaire. 

C’est pourquoi les services publics doivent « aller vers » ces publics afin de leur offrir la possibilité d’exercer leurs droits. 

Une enquête menée par le gouvernement a montré un renvoi très fréquent vers Internet pour les personnes qui n’en disposent pas. 
Lorsque les personnes se voient conseillées de se rendre dans un lieu d’accueil physique afin de pouvoir entamer des démarches, les plateformes téléphoniques ne précisent pas la localisation ou les horaires d’ouverture de l’agence locale… des informations qu’il faudra donc sans doute trouver sur Internet. 
Les résultats posent aussi la question du type d’informations délivrées. Celles-ci restent partielles, ce qui ne permet pas aux personnes d’avoir une meilleure connaissance de leurs droits. 

Pour les personnes « moins connectées », le téléphone peut être un mode de contact privilégié qui évite de se déplacer. Or, le plus souvent, les personnes sont invitées à aller sur Internet pour faire une simulation en ligne afin de savoir si elles peuvent bénéficier d’une prestation.

Les organismes ont pourtant mis en place des solutions alternatives aux usagers comme les bornes interactives des CPAM, les rendez-vous d’accès aux droits au sein des CAF et les ateliers pour développer l’autonomie digitale pour Pôle emploi… 

Mais ces offres ne sont pas présentées lors des premiers contacts téléphoniques, les informations sur l’existence de ces offres se trouvent… sur Internet. 

3. Une situation qui a fait évoluer les techniques d’accueil :
L’ensemble de ces éléments conduit, notamment pour les agents qui sont en accueil direct ou téléphonique à de nouvelles situations :
- Des situations exprimées souvent complexes et ne laissant pas la possibilité à l’agent de répondre immédiatement
- Des situations personnelles d’usagers nécessitant, de la part du professionnel, une prise de distance quant aux situations (ex : cas de la personne qui vient à la mairie et qui dit qu’elle n’a plus de logement… et un agent qui peut se sentir très démuni dans cette situation précise)
- Le sentiment que les usagers sont de plus en plus lourds 
- Un parfois « dialogue de sourd » avec des usagers qui sont dans le « tout, tout de suite » et des agents qui doivent mener de nombreuses démarches qui prennent parfois du temps (notamment lorsque la situation de personne est très dégradée).

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